• « La famille ne doit pas être un asile mais un lieu à découvert »

     

    Avant de réussir dans le journaliste institutionnel et de devenir porte-parole de la pensée unique, Philippe Meyer avait été un jeune sociologue libertaire et critique.

    Il avait alors écrit, en 1977, les esprits étaient humanistes et critiques à l’époque, un livre qui semblait prometteur, « L’enfant et la raison d’État »,  dont le texte de présentation disait : « Mais le modèle familial, si pauvre qu’il soit, ne constitue-t-il pas désormais n obstacle à la gestion directe de la société par l’État ? Comme tel, n’est-il pas voué à son tour à l’extermination »

    Sujet plus que jamais d’actualité hélas, n’est-ce pas! Et qui aurait du être approfondi et pourrait être abondamment nourri à notre époque.

    À défaut en voici quelques extraits :


    « Le mouvement de l’intervention de l’appareil judiciaire est un mouvement constant d’extension tous azimuts : extension des modes de prise en charge et diversification (la prison, le quartier spécial, la colonie pénitentiaire, la liberté surveillée, pis à partir de 1958, l’assistance éducative en milieu ouvert), extension du champ de la prise en charge (le mineur seul, puis le mineur et sa famille, puis le mineur, sa famille et son milieu), extension enfin de la durée de cette prise en charge : durée fixe, puis durée indéterminée jusqu’à la majorité.

    …..

    Tout mouvement incontrôlé est corollairement proclamé suspect.

    …..

    Fixé institutionnellement, le temps où l’on vaque doit encore être contrôlé. Aux grandes migrations de jeunes vacanciers, il doit être répondu par de grandes migrations de C.R.S. plagistes, d’animateurs sociaux, de professionnels du temps « libre ».

    ……

    Entre celui qui s’inquiète que les vacances puissent signifier la liberté et celui qui propose une société de sycophantes, le mouvement est arraisonné. Comme il n’y a plus d’espace sans fonction, il n’y a plus de temps sans contrôle, ni de mouvement sans but. La vie sociale est finalisée : c’est tout le territoire, social et géographique, qui est devenu le lieu de l’aveu.

    (Philippe Meyer « L’enfant et la raison d’État » ch.II)

    « Dans la profusion sociale, il s’agit de tailler une cote uniforme, et de l’imposer : l’enfant est un moyen de cette imposition. Son retrait, temporaire ou définitif, ou la menace de son retrait, est l’arme entre les mains de l’État et des sociétés de bienfaisance pour imposer leur moralisation. …. Substituer à l’éducation à la fois pratique et particulière de son milieu une éducation uniforme, sophistiquée, universelle et rationnelle à la production. Mais il s’agit aussi de faire de la famille une unité stéréotypée, et donc réglementable et disciplinable.

    …..

    la législation nouvelle vient officialiser deux points décisifs : l’abandon moral de l’enfant est une présomption et non un fait, et cette présomption se fait non d’après la conduite de l’enfant – « il pourra se faire qu’elle soit à l’abris de tout reproche2 » - , mais d’après celle de ses parents.  …..

    La notion d’enfant « en danger » n’a d’autre contenu que celui donné dans la pratique par les policiers ou les travailleurs sociaux qui assurent l’essentiel des « signalements », ou des juges des enfants qui estiment devoir se saisir d’office. Les critères d’intervention sont tout entiers aux mains des appareils d’État, seuls producteurs des critères …..

    les justiciables de la justice de « protection » sont tous, majeurs ou mineurs, présumés irresponsables..

    ……

    L’enfermement perd sa valeur en même temps que la famille devient l’ultime satellite de l’État ; il est remplacé par l’assistance éducative en milieu ouvert, dont la fonction est tout à la fois d’intimider, de redresser, d’apprivoiser et de modeler la famille. C’est alors le règne de l’enquête sociale, de l’expertise médico-psychologique, de la prise en charge des conduites économiques par le biais de la tutelle aux prestations sociales, jusqu’à ce que la famille soit soumise ou démise.

    ……

    L’aléatoire et l’intempestif n’ont plus lieu, et le citoyen « protégé » est réputé ne pas avoir l’intelligence de lui-même, ni d’aucun lieu d’où il pourrait tirer des arguments de résistance. Le drame d’Antigone se vit désormais à l’envers : l’interprétation prime et terrorise le fait, et l’Etat-Sphinx, ogre et augure, en détient la clef.

    En résistant à ce placement à durée indéterminée, pour des raisons affectives (la séparation), économiques (la perte d’un salaire), ou de l’ordre du réflexe (le maintient des traditions qui leurs sont propres), les familles achèvent de rentrer dans le champ de l’intervention judiciaire : s’opposant aux « bienfaits » de  l’action publique, elles sont suspectées et jaugées

    ….

    Pour les enfants, au nom de qui cette réforme a été faite « afin de leur éviter la soumission à l’arbitraire de la « patra potestas », il y a , plutôt que la libération d’une tutelle, le passage d’un tuteur à un autre. (auquel contrairement au premier on ne peut échapper, ni jamais)

    Dans le dernier quart du siècle, les lois sur la « protection des enfants maltraités » et sur les « violences et voies de fait envers les enfants », pour généreuses que soient leurs intentions, aboutiront à une pratique de plus en plus affirmée de vérification – et donc de standardisation – de l’ éducation populaire ; qu’il y ait des enfants battus dans les familles ouvrières justifiera que toutes les familles ouvrières soient inspectables pour voir si les enfants n’y sont pas battus

    …..

    La famille ne doit pas être un asile, mais un lieu à découvert !

    ….

    toute défense commune aux parents et aux enfants face à l’appareil judiciaire est « hyper protection pathogène », toute distance, de fait ou imposée par les conditions de vie et de travail entre parents et enfants, est « rejet  générateur de frustrations et de déstructuration de la personnalité ».
    Chaque fait concret de l’attitude réciproque des parents et des enfants est justiciable d’une interprétation réversible, englobante et à double tranchant. 

    Par ailleurs quand les faits concrets manquent, le recours au symbolique y supplée. Enfin, et ce n’est pas sans importance, l’investigation psychologique exclut le mineur et sa famille de toute possibilité de répondre, d’insérer leur propre discours sur eux-mêmes dans le processus d’investigation judiciaire.

    (Philippe Meyer « L’enfant et la raison d’État » ch.III et IV)

    ….

    Certes il reste encore une famille, du moins formellement, et aussi longtemps que la réunion d’un homme et d’une femme sera nécessaire à la conception d’un enfant. Mais cette fonction génitrice semble être à terme la seule que lui laisse le maniement direct des individus par l’Etat.

    « sites où il ne faut surtout pas mettre les piedsinfos de "La voix de la russie" - ces temps-ci la vérité sort de la bouche des russes, écoutez ! »
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  • Commentaires

    1
    Mediactoeur
    Dimanche 19 Septembre 2010 à 12:00
    Rappelons au chapitre des lieux communs qu'en Globalie la cellule familiale explose sous l'effet de l'hyper-mobilité requise par notre société globalisée qui voue un culte au mouvement et donc à la fluidification des flux pour répondre aux besoins -- et en créer d'autres ! Un monde d'électrons sans liaisons entre eux et donc pilotables par le système ...
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