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Jean Moreas
Jean Moréas - Stances
XI
Ne dites pas : la vie est un joyeux festin ;
Ou c’est d’un esprit sot ou c’est d’une âme basse.
Surtout ne dites point : elle est malheur sans fin ;
C’est d’un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.
Riez comme au printemps s’agitent les rameaux,
Pleurez comme la bise ou le flot sur la grève,
Goûtez tous les plaisirs et souffrez tous les maux ;
Et dites : c’est beaucoup et c’est l’ombre d’un rêve.
I
Le coq chante là-bas ; un faible jour tranquille
Blanchit autour de moi ;
Une dernière flamme aux portes de la ville
Brille au mur de l’octroi.
Ô mon second berceau, Paris, tu dors encore
Quand je suis éveillé
Et que j’entends le pouls de mon grand cœur sonore
Sombre et dépareillé.
Que veut-il, que veut-il, ce cœur ? Malgré la cendre
Du temps, malgré les maux,
Pense-t-il reverdir, comme la tige tendre
Se couvre de rameaux ?
XVII
Adieu, la vapeur siffle, on active le feu ;
Dans la nuit le train passe ou c’est l’ancre qu’on lève ;
Qu’importe ! on vient, on part ; le flot soupire : adieu !
Qu’il arrive du large ou qu’il quitte la grève.
Les roses vont éclore, et nous les cueillerons ;
Les feuilles du jardin vont tomber une à une.
Adieu ! quand nous naissons, adieu ! quand nous mourons,
Et comme le bonheur s’envole l’infortune.
V
Lieux où mes lentes nuits aiment à s’écouler,
Ô chère porte
De mon Paris, déjà le vent a fait rouler
La feuille morte.
Bientôt sous la lueur de la lampe, aux reflets
Du brasier sombre,
Pensif, j’écouterai heurter à mes volets
L’aile du Nombre.
Et moi, que l’amitié, l’amour et la douceur,
Tout abandonne,
Je veux goûter, avec le tabac, le berceur
Extrême automne.
XI
Quand reviendra l’automne avec les feuilles mortes
Qui couvriront l’étang du moulin ruiné,
Quand le vent remplira le trou béant des portes
Et l’inutile espace où la meule a tourné,
Je veux aller encor m’asseoir sur cette borne,
Contre le mur tissé d’un vieux lierre vermeil,
Et regarder longtemps dans l’eau glacée et morne
S’éteindre mon image et le pâle soleil.« la bonne odeur des feux que les jardiniers allument pour brûler les feuilles mortes…Il reste à définir comment arracher une telle conquête. Il est plus que temps d'inverser le rapport de force »
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